Allongée dans l'herbe, lascive, elle s'éveilla.. maintenant ses yeux clos, pour savourer le vent qui la frôlait le long de son corps.. Elle avait recommencé, elle s'était de nouveau endormie.. au milieu de nulle part.. il fallait vraiment qu'elle apprenne à se contrôler.

Elle pencha sa tête et remarqua un visiteur innocemment lové contre son flanc, précautionneusement enroulé sur lui même. Elle sourit, encore un qui avait été attiré par sa chaleur. Ce n'était pas le premier qui venait s'installer ainsi, ni le plus gros. Elle se rappella que la première fois, elle en avait été paniquée.. cela avait fait rire Melwind.. Oui, elle avait ri aux éclats. Un rire si fin, si cristallin, que toute sa peur était partie..et elle avait ri aussi.
Elle regarda le ciel avec ses nuages éparses. Melwind.. Elle lui manquait tant. Un sentiment de douce nostalgie, remonta le long de sa gorge.. qui s'échappa en un soupir étranglé.

A leur première rencontre, elle avait cru à un ange.. quoi de plus normal. Elle venait de mourir, et se retrouvait transportée dans ce monde, sous la neige. Neige dont elle ne ressentait plus la froideur. Au dessus d'elle se penchait ce visage radieux, avec ce splendide sourire. Melwind, juste avant de replonger dans les vapes. C'est elle qui l'avait trouvée, allongée sur le sol immaculé.. Elle l'avait mise à l'abri, emmitouflée de couvertures, et l'avait veillée jusqu'à son réveil, qui mit plusieurs jours.

Elle avait tout de suite deviné ce qu'elle était, et l'avait recueilli sans se soucier de quoi que ce soit. Tout le monde avait droit à une chance, selon elle. Devant son silence, elle se mit à lui raconter l'histoire de son monde, son histoire à elle. Son rêve était de découvrir les mystères de ce monde et de les révéler au grand jour, elle était conteuse, et apportait du rêve aux autres. Dans chacune de ses histoires transparaissait l'espoir. Mag l'écoutait fascinée, cette inconnue qui lui parlait de ces choses irréelles, et l'observait.. La conteuse était émerveillée, elle-même par ses histoires. On en ressentait ainsi mieux la véracité..

Et maintenant, tu veux bien me dire ton nom ?

Elle s'était adressée à elle. Mag fixa ses yeux, ils étaient si doux, si verts. Son nom ? Quel était il?Elle chercha en elle : le néant... Devant son air désemparé, Melwind compris. Elle lui prit les mains.

Il n'y a rien dont tu te..
Wahou !! mais tu es bouillante !!

Ce fut là qu'elle se rendit compte de la couleur des ses yeux, rouges et flamboyants.. Oui, elle avait raison. C'était une Rêveuse, elle se doutait que son pouvoir était lié à la chaleur et c'est pour ça qu'elle avait tenu dans le froid de ces montagnes. Elle reprit :

Tu as un souvenir de ta vie d'avant ? Ton nom ? Une image ? Une sensation ?

Mag fouilla dans son esprit.. une sensation ? Un apaisement d'une vie tumultueuse, des cris, des larmes, une peur, un sentiment d'injustice.. et un choc... la chaleur.. un mot : magnésium

Hein ?

Elle sentit qu'il y avait quelque chose derrière ce mot, quelque chose de dramatique et en même temps cette douce fin. Sans même s'en rendre compte, ses larmes se mirent à couler, elle pleurait l'oubli d'une vie passée et douloureuse. C'est alors, que la main de Melwind vint à se poser sur sa joue, doucement. Une caresse pour arrêter ses larmes, elles s'étaient regardées et comprises. Cette main, tant de choses contenues dans cette main. Tellement d'amour.. de joie et de tendresse, de compréhension.

C'était Melwind qui avait décidé de son nom, puisque c'était la dernière chose dont elle rappelait. Elle deviendrait le symbole de sa nouvelle vie. Elle avait séparée le Mag de Nesium, pour l'embellir, c'était le talent de cette conteuse hors pair : prendre une chose simple, pour en faire un véritable roman.

C'était aussi elle, qui lui avait tout appris de ce monde là. Ce qu'elle était.. Les légendes sur les Rêveurs. Elle lui en expliqua les règles, telles que celles de l'Allégeance.Un concept qui lui semblait des plus farfelu, quel était l'intérêt de prêter allégeance à une de ces ethnies, elle venait à peine d'arriver sur ce monde dont elle ne connaissait rien, et aurait du s'allouer d'un serment auprès de l'un d'eux ?
Son choix fut en toute logique de suivre celle en qui elle croyait, Melwind. Celle-ci faisait partie de la Poursuite car ce mouvement ne l'entravait pas dans sa quête de réponse sur les Fragments.
Elle l'incita à s’entraîner pour maîtriser au mieux son don et à se ménager. Elle lui montra le maniement des armes blanches.. surtout des lames, originaire du pays de Norn, elle lui en expliqua quelques rudiments, pour qu'elle sache se défendre sans toujours compter sur son don. Elle l'a entraînée dans son aventure, partenaire de route, alliées... amies intimes. Elle lui remplissait le cœur d'une tendre chaleur, plus intense que son don.
Elle pouvait la regarder des heures à conter ses histoires aux villageois, elle parvenait ainsi à obtenir des informations en échanges. Quand elle venait à sortir de ses gonds, Melwind l'apaisait d'un regard. Elle était si douce, si sure d'elle... et son parfum fleuri... qui l’envoûtait.

A cette pensée, Mag enfouit sa tête dans son écharpe argenté, à la recherche de l'effluve disparue de sa compagne... parfum si délicat... comme elle.

Pourtant, elle en avait castré plus d'un... il ne fallait pas la sous estimer, si elle semblait fragile de par sa féminité, elle pouvait devenir extrêmement farouche. Cette double personnalité lui plaisait, la séduisait. Les nuits, elle prétextait avoir froid, et vouloir se réchauffer, mais Mag n'était pas dupe.

Elles s'aimaient d'un amour si simple, si enfantin, si prude... elles étaient complices, et se comprenaient tellement bien, comme deux morceaux de puzzles assemblés et parfaitement emboîtées. Elles étaient heureuses.
Melwind ne pouvait s'empêcher de défendre Mag, elle refusait qu'on lui fasse du mal. Et elle refusait surtout qu'elle utilise trop son don. Il semblait entremêlé à ses émotions. Étant donné son caractère incendiaire, cela pouvait engendrer des dégâts et au résultat final parvenir à l'épuisement. Elle avait peur de la voir s'endormir et de ne jamais plus se réveiller. Le peu qu'elle s'en servait, suffisait à la plonger dans un profond sommeil impromptu même court ou parfois longuement somnolent. Mais ce qu'il l’inquiétait encore plus, c'était les conséquences fatales de son impulsivité. Surtout depuis cette fois, où Mag ne supporta pas qu'un homme se mette à frapper une petite fille, ce jour-là, elle vit rouge. Elle l'avait attrapé par ses vêtements et posé son autre main sur le visage pour le défiguré, elle regardait sa figure brûlée sous ses yeux, sa colère était telle, qu'elle ne ressentait qu'une rage intense, même l'odeur ou les cris de l'individu ne la troublèrent pas. Elle maintenait la pression de sa main sur figure, comme si un aimant de fureur la commandait. C'est les cris de Melwind qui la ramenèrent à la raison. Cela n'avait duré qu'une minute, mais une longue minute. Elle avait relâché sa victime défigurée à vie. Vidée de toute son énergie, elle avait tenu le temps de pouvoir s'éloigner, hébétée de tout ce tumulte pour s'écrouler à l'insu de la foule. Melwind avait pleuré à son réveil et aussi sermonné comme jamais. Elle l'avait cru morte, tant elle était froide. Son sommeil s'était apparenté à un coma qui avait duré plus d'une journée. Aussi, Melwind préférait prendre les devants, pour éviter que cela ne se reproduise. Mag la laissait faire docilementne voulant plus la voir verser des larmes.

Seulement, tout à une fin.. Quelqu'un voulu y mettre un terme, plus fort qu'elles. Quelqu'un qui n'avait pas admis qu'on puisse le rejeter. Et Mag rompit sa promesse. Était ce lié au ressenti de sa vie passée, toujours est il que cet homme n'avait pas à l'exiger ainsi. Après s'est fait envoyé paître en public par Mag, il les avait suivi et attaqué par surprise. Comme à son habitude Melwind riposta la première pour l'empêcher d'agir. Mais ce fut la fois de trop, au terme de ce combat acharné et quand bien même Melwind était une experte. L'homme prit le dessus. En la voyant tituber, et le sang s'écouler de son corps.. L'incendie en Mag gronda, et son instinct la submergea, elle se jetta sur l'homme et l'attrapa à la gorge. Elle brûlait de tout son être, pendant qu'il la frappait pour la faire lâcher prise, elle resserra son étreinte en pensant

ne pas lâcher, tenir jusqu'au bout, ne pas lâcher... tenir...

A chacun des coups, elle hurlait de douleur, mais ne resserrait que de plus en plus ses mains, et laissait s'en échapper les vannes grandes ouvertes toute son énergie concentrée dans ses deux mains.. Elle sentait la chair se consumer sous ses mains, même consciente elle ne relâcha pas. Même quand il cessa de frapper, elle ne lâcha pas.. sa gorge calcinée, l'homme s'effondra sous la douleur et mourut étouffé. Ce n'est qu'une fois à terre et vidée de son énergie qu'elle consenti à mettre fin au supplice.. Le regardant mourir la suppliant de son regard..
Elle se tourna vers Melwind, la prit dans ses bras, comment avait elle réussit à se déplacer après avoir autant fourni d'énergie, elle ne le sut jamais.. Elle hurla son désespoir, supplia sa compagne de ne pas mourir.. Melwind lui fit promettre de continuer son rêve, de ne pas renoncer à la vie.. Car elle ne la connaissait que trop bien, et sa dernière phrase fut :

Trouve toi un compagnon de route plus fort que moi, car tu as toujours tendance à t'attirer des ennuis.. et garde mon étole, elle se marie tellement bien avec tes yeux...

Des compagnons ? Elle n'en voulait pas, elle voulait rejoindre son amie... Le contre-coup de son combat commençait à s'en faire ressentir. Sa main douce vint à se poser sur sa joue refroidie , Melwind lui sourit une dernière fois et la vie quitta son corps...
A ce souvenir, les larmes lui coulèrent encore.. Elle poursuivait sa quête des fragments et se servait seulement d'un minimum de son don. Elle tenait sa promesse, évitait au maximum les ennuis, mais ce n'était pas toujours évident. Ce n'était pas toujours un serpent qui venait la réveiller. Melwind avait raison, elle devrait tout ou tard se trouver un compagnon, pourquoi pas un animal ?
Elle s'adressa à son Visiteur

Tu voudrais être mon partenaire ?

Le reptile, pour toute réponse se contenta de s'éloigner de cette source de chaleur un peu trop vivante à son goût.
Qui sait ? Elle n'en avait pas besoin de toute façon. Les femmes étaient souvent bien trop fragile, et les hommes peu dignes de confiance. Elle préférait être seule, pour ne plus à avoir souffrir ainsi.

Elle sourit... et se releva pour reprendre sa route.